“J’en peux plus de les aimer mais de les détester en même temps car ils ne font pas leur part du taff !” Pour parler des hommes de son entourage, la drômoise Juliette Eynard, cofondatrice et salariée du Collectif d’éducation populaire pour l’émancipation sociale (CEPES), ne mâche pas ses mots. Féministe convaincue, elle a imaginé pour eux un stage, “Même pas mâle”, dont le premier s’est tenu en mai 2024.
Trois jours. Six à douze hommes. Ensemble, guidés par Juliette Eynard et un binôme masculin, ils participent à divers ateliers qui articulent tête, cœur et corps : transmission de savoirs sur les émotions, théâtre, cercles de parole, lecture collective de textes, écriture, élaboration de définitions collectives, et même toucher physique ! Mais attention, précise Juliette Eynard, “c’est pas juste du développement personnel pour mecs ! On travaille sur leurs émotions mais on les confronte à des discours féministes et à des situations vécues pour construire des changements durables.”
Objectif fixé par le binôme : “réparer la boussole émotionnelle des mecs, cassée par le patriarcat”.
Outre qu’ils ont souvent des difficultés d’identification de leurs propres comportements problématiques, Juliette constate que les hommes manquent de nuance : parfait ou coupable. “Comme ils ne savent pas gérer cette nuance sur le plan émotionnel ils choisissent un camp, et en général c’est “moi je suis un mec bien”. L’idée, c’est donc que chacun devienne capable d’assumer sa responsabilité, en s’éloignant de la binarité “culpabilité vs rejet de la remise en question”.
Forte de son premier stage (baptisé Même pas peur) pour les femmes et minorités de genre, qui met aussi les émotions au centre pour les (re)politiser et soutenir la transformation individuelle et collective, Juliette a parfois été éprouvée par la confrontation au manque de compassion du groupe pour les premières concernées : “après lecture d’un texte, le groupe avait plus d’empathie pour le mec qui racontait l’histoire (“ça doit être dur pour lui !”) que pour la femme dont il était question et qui était victime de violences ! Cette première identification, qui ne se fait pas avec la victime, m’a authentiquement blessée mais ça a permis des échanges intéressants car ils ont vu mon émotion et on a pu travailler à partir de ça.”
Dans une recherche d’équilibre dans la répartition des rôles, c’est son collègue qui prend en charge le soin des participants en dehors des temps d’atelier : “la fatigue émotionnelle c’est pour lui !”. Et c’est aussi plus efficace : “pour eux, donner de l’empathie à un mec qui galère, c’est une façon de s’en donner à soi-même”.
Le premier stage a redonné espoir à Juliette : “Devenir des alliés, certains en ont envie, vraiment. Et ils le peuvent. Si on y arrive avec ces mecs-là, eux pourront avoir de l’influence sur d’autres, plus éloignés, et qu’on ne touche pas en tant que meuf féministe…”
Retours de participants…
« Le travail sur nos émotions est central pour devenir de véritables alliés de nos potes, nos sœurs, nos compagnes. A tous les mecs qui en ont marre de galérer seuls dans leurs masculinités et dans les injonctions (celles du patriarcat et aussi celles du féminisme) : foncez ! », T.
“Merci aux 2 animateur·rices pour la grande diversité d’ateliers autant pratique que théorique, c’était très sécurisant d’avoir un espace aussi bienveillant pour travailler sur soi. Je recommande”, JB.
“Je pense même que ça devrait être reconnu d’utilité publique et remboursé par la sécu !”, L.
Rédaction : Maud Raffray
Pour aller plus loin :
. Contacter l’association pour connaître les prochaines dates de stage ou en organiser un chez vous ! https://cepes-asso.fr/meme-pas-male-3/
. Rejoindre une initiative cousine présente sur le territoire nantais : @nos_allies_les_hommes