A Nantes et à Saint-Nazaire, La comédienne Hélène David rassemble des femmes de tous âges dans des cercles de paroles intergénérationnels où le dialogue se tisse autour du vécu collectif des participant·es.
Elles ont vingt ans comme soixante-dix, sont cisgenres ou transgenres, ne se sont jamais rencontrées avant et ne savent rien, ou presque, des unes des autres. Pendant 1h30, elles vont échanger librement autour des thèmes sélectionnés par Hélène David, 25 ans, comédienne et animatrice du cercle : la charge mentale, l’ambition, le consentement, les complexes physiques, le couple ou encore les agressions dans le cadre médical…
Depuis plus d’un an, elle ne se lasse pas d’organiser ces cercles à Nantes, au bar des Impertinantes, et à Saint-Nazaire, pendant la Quinzaine féminisme à la maison de quartier du Kerlédé, où éclot une parole intime : « En dehors de leur cercle familial, peu sont les personnes qui fréquentent des connaissances plus âgées de 20, 30 ou 40 ans. Ces cercles permettent d’échanger autour de nos expériences de femmes. »
Alix, 53 ans, militante féministe, queer et non binaire, est une habituée des cercles de paroles. A ses yeux, ils représentent une occasion de passer un moment bienveillant et sécure, en mixité choisie, entre personnes de confiance : « On échange autour des oppressions systémiques, des difficultés que l’on rencontre avec une partie du monde qui n’est pas présent dans le cercle. Cela libère la parole : le don de la parole des unes permet la parole des autres ».
Elle y constate à quel point les générations plus âgées ont à apprendre des plus jeunes, notamment sur les oppressions systémiques et leur dimension intersectionnelle. « Des personnes plus âgées ne vont pas forcément parvenir tout de suite à identifier le fait que certaines choses qui leur sont arrivées ne sont pas normales ». Celles-ci se retrouvent en face de jeunes femmes plus outillées en la matière et le dialogue crée des prises de conscience : « entendre les autres nous montre qu’on est bien des individus uniques avec des expériences uniques, mais qu’au sein même de ces expériences, il y a quelque chose de commun ».
Une expérience commune du monde
Noémie, nantaise de 23 ans, a participé pour la première fois à ce cercle de paroles intergénérationnel en avril dernier. Écouter des femmes plus âgées qu’elle raconter leur rapport à l’espace public, à l’image ou aux hommes l’a rassurée, et même, apaisée : « elles ont vécu des choses similaires, mais elles ont un regard différent. C’est décomplexant et inspirant. Savoir comment les autres pensent et agissent, ça permet de s’autoriser à réfléchir autrement » explique-t-elle.
Au fil des récits intimes et des déclics féministes, les participantes racontent, parfois pour la première fois, ce qu’elles ne peuvent raconter ailleurs, « Ça m’a rappelé qu’il existe une solidarité entre femmes et qu’elle ne s’arrête pas à une seule génération, je me suis sentie protégée », confie Noémie.
Une fois le cercle rompu, même si les sujets abordés font émerger tristesse, colère ou révolte, Alix et Noémie partagent le même sentiment, celui de ne pas être seule et d’avoir partagé une parole sorore, et, parfois, réparatrice.
Rédaction : Marine Raut-Guillerme