Vous essayez de parler féminisme avec une féministe assumée, et peut-être que c’est désagréable pour vous, que vous ne vous sentez pas accueilli, entendu comme vous l’espériez. Peut-être même ressentez-vous chez elle une certaine irritation / fatigue / indifférence et vous n’aimez pas ça.

Alors effectivement, breaking news : nous sommes fatiguées, irritées, lasses à l’idée d’engager une énième conversation sur le sujet (d’autant plus s’il s’agit d’un temps de loisirs, de détente, de fête).

De là où vous vous trouvez, c’est un manque cruel de pédagogie : comment changer, apprendre, si celles qui sont aux premières loges refusent de transmettre ce qu’elles savent ? En plus c’est peut-être votre première fois, et puis c’est une occasion comme une autre de discuter, de mieux comprendre le monde qui vous entoure, cela incarne peut être une curiosité réelle, une envie d’apprendre. C’est le fameux : « l’intention est bonne ».

Commencez par imaginer qu’il y a d’autres perspectives que la vôtre.

Car de là où nous nous trouvons, l’horizon est différent. Nous avons déjà eu cette conversation mille fois avant vous, avec des amies, à la pause café, lors de repas de famille, dans nos cercles militants… Par ailleurs, et ce n’est pas rien : le sexisme structurel, avec son cortège de violences, nous concernent. Il nous touche ou nous atteint (nous, notre sœur, notre fille, notre mère, notre collègue, notre copine, notre voisine de tram, notre camarade de fiesta), directement ou plus indirectement, en permanence.

Ce n’est donc pas un sujet comme un autre. C’est, au choix, une prise de conscience douloureuse, un combat permanent, un espoir, un engagement qui nous choisit autant qu’on le choisit.

Et honnêtement, c’est quasiment toujours la même conversation, les mêmes remarques. Allez, on vous fait un extrait, dans le désordre :

« Je ne me sens pas le bienvenu, aidez-moi à aider »
« Moi je suis plutôt humaniste, je suis pas pour que les femmes dominent les hommes »
« C’est pas la bonne stratégie, vous êtes trop agressives » et toutes les déclinaisons de « vous desservez la cause ».

Commencez par imaginer qu’il y a d’autres perspectives que la vôtre.

Il y a un titre d’ouvrage qui résume très bien la situation : “Ne nous libérez pas, on s’en charge !” Si vous voulez écouter Florence Rochefort, l’une de ses co-autrices, c’est par ici .

Commencez par imaginer qu’il y a d’autres perspectives que la vôtre.

Oui car voyez-vous des penseuses, des militantes, des autrices et auteurs ont mille fois démontré comment ces réactions, ces questions que vous nous posez participent au maintien de l’ordre social patriarcal. Elles ont même créé des heures de podcast, des documentaires, des livres entiers, des posts instagram pour tout vous expliquer. Et on devrait tout reprendre autour d’un café, avec douceur, bienveillance et pédagogie, à chaque fois ?

Commencez par imaginer qu’il y a d’autres perspectives que la vôtre.

Alors on est lasses, c’est vrai, mais comme on est aussi sympa, on s’est dit qu’on allait quand même vous suggérer quelques questions à vous poser, la prochaine fois que vous souhaitez engager une conversation autour d’un sujet féministe avec une féministe. Si la réponse est non, vous savez quoi faire !

  • Est-ce-que j’ai vérifié avec la personne que c’est OK d’échanger sur le sujet, là, maintenant, tout de suite ?
  • Est-ce-que j’ai lu, écouté, compris une des ressources ci-dessous ? 
  • Est-ce-que la réponse à ma question est disponible dans toutes ces ressources ? (ai-je seulement cherché ?)
  • Est-ce-que je suis prêt à écouter, à poser des questions, plutôt qu’à donner mon avis / des conseils non sollicités ou à créer une polémique « pour le fun » ?

On vous le confirme : nous sommes en colère.

La colère est une force de changement. Si vous avez du mal à supporter la colère des féministes, vous faites peut-être partie du problème : mais êtes-vous seulement prêts à l’entendre ?

Quelques ressources :
J’ai 3 minutes 
J’ai 15 minutes 
J’ai 4 heures 
J’ai des heures
Je préfère le papier

Rédaction : Marie Pouliquen