Parmi ses membres, les fameuses comptent une personne particulièrement engagée dans l’archivage et la mise en lumière des actions de femmes du quartier nantais Bottière-Pin Sec, Didiel Pacary-Charuel. Pour cette newsletter consacrée à la transmission, il nous a donc semblé pertinent d’aller à la rencontre d’une de ces habitantes, de celles qu’on entend peu, alors qu’elle aurait beaucoup à dire. Portrait.

Elle en a eu des vies, Martine ! Presque autant que de poupées qui occupent chaque recoin de son appartement. Dans le tourbillon des tempêtes qu’elle a traversées, elle a tenu bon et tient encore la barre, en solide capitaine de son vaisseau. Contre vents et marées, elle a creusé un sillon souvent bouillonnant qui s’apaise à présent.

Martine a 62 ans et 265 poupées. Elle a eu quatre enfants, deux garçons et deux filles, qui lui ont donné 12 petits enfants (6 filles et 6 garçons) et une arrière-petite-fille depuis le 9 septembre. Sa descendance est assurée : elle en est fière. Martine fait partie des “vedettes” du quartier Pin Sec de Nantes. Depuis 17 ans, elle vit dans un deux-pièces adapté, en rez-de-chaussée. Elle y est entrée après un AVC. Son scooter médical lui garantit une certaine mobilité et une relative autonomie. “Quand on passe de 166 à 81 kg pour 1,62 m en 4 ans, qu’on subit une intervention chirurgicale par an depuis six ans, avec « slive » et « balpass », puis chirurgie réparatrice, il faut avoir une force de caractère à toute épreuve.”

Depuis quelques temps, elle participe à la vie du quartier

Martine dit ne rien avoir reçu de sa famille, ni de son père, alcoolique, ni de sa mère. Dernière d’une fratrie de 5, elle avait 15 ans quand celle-ci est décédée, à 57 ans. Pas de grand-mères ni de grands-pères dans son paysage. Autour d’elle, des femmes. “C’est une belle-sœur qui m’a transmis les gestes qui ont sauvé mon fils ainé de la « diarrhée verte » du nourrisson.” Sa plus jeune fille, Gwendoline, s’est occupée d’elle au quotidien au moment et à la suite de l’AVC. 

Bien qu’elle s’en défende, Martine a reçu. Un peu. Et elle, qu’a-t-elle transmis ? À cette question qui la déroute, elle répond : “Je transmets de la solidarité” en apportant de l’aide affective et morale, de la présence, à ses enfants, ses petits-enfants, ses voisins. « Je les écoute et les conseille ». Depuis quelque temps, Martine participe aussi à la vie de son quartier. Elle se prête à des interviews, à des reportages audios et vidéos ; elle participe aux Soirées d’été de Pin Sec. Et elle raconte tout ça à ses petits-enfants, leur fait des albums photos, leur envoie les podcasts. Transformerait-elle sa rébellion en transmission ? En tous cas, elle jure qu’elle ne transmettra à personne sa collection de poupées. « Plutôt les brûler que de les savoir vendues ! »

Rédaction : Florence Lesavre