Publié le 15.12.2020

 

Crédit : Cécile Vacher – Vertuel

Fraichement nommée présidente de l’Institut Français des Administrateurs (IFA) Grand Ouest, Cécile Vacher est une femme engagée ! Diplômée de l’École des Mines de Nantes et d’un DESS/MBA à l’IAE Sorbonne, cette Fameuse a fait un long bout de carrière au sein du groupe PSA Peugeot Citroën. Fondatrice de Vertuel, un cabinet de conseil en RSE situé à Nantes, elle accompagne les entreprises de la stratégie à la mise en place de démarches d’engagement sociétal, qui selon elle intègrent la question de l’égalité femmes-hommes. Retour sur sa nomination récente, ses ambitions pour l’IFA et sa vision de l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Vous venez d’être nommée présidente de l’Institut Français des Administrateurs Grand Ouest. A ce titre, vous devrez animer votre communauté de manière à fédérer ses membres autour de différents sujets de transition sociétale. L’égalité femmes-hommes fait-elle partie des leviers « créateur de sens » pour reprendre vos mots ?

J’ai été nommée avec pour mission de fédérer les administrateur·rices de l’ouest et de promouvoir les pratiques d’une gouvernance responsable : transparente, agile, équilibrée et innovante. La question des sujets de transition sociétale n’est pas dans la mission, mais dans mon profil, et je l’interprète comme un signe des temps : la compétence sociétale ou extra-financière devient aussi importante que la compétence financière dans les conseils d’administration. Ceci dit, cette préoccupation n’est pas nécessairement partagée à ce stade par tous les administrateurs, malgré la loi PACTE en 2019, qui modifie la définition de l’entreprise dans le code civil, spécifiant que : 1. toute société doit désormais prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux de ses activités. 2. Cette mission relève de la responsabilité du conseil d’administration. Je m’appuierai aussi sur la nouvelle raison d’être de l’IFA : « Promouvoir une gouvernance responsable, créatrice de valeur durable en veillant au bien commun, portée par des administratrices et des administrateurs engagés dans toutes formes d’organisation. »

Concernant le sujet de l’égalité FH, qui fait partie des enjeux sociétaux à intégrer, toute inégalité est destructrice de sens pour la personne qui en est victime et de valeur pour l’entreprise qui perd son adhésion et sa motivation. La discrimination FH démobilise les femmes, restreint les ressources et la richesse humaine des entreprises, contribue à prédéterminer la place des hommes et des femmes dans la société au détriment de leur libre choix d’équilibre de vie.

A travers la gouvernance responsable que je souhaite promouvoir figure bien sûr l’égalité comme principe de non-discrimination et comme source de diversité des profils qui mène aux décisions les plus équilibrées.

 

En intégrant cette problématique à une stratégie RSE, vous vous engagez sur un pan de la question de la diversité. Est-ce que cela va de soi pour les entreprises qui font appel à vous dans le cadre de vos activités chez Vertuel ?

 Cela dépend des motivations et de la sensibilité des dirigeant·es qui nous contactent. Certains ne considèrent que la transition écologique, ou le bien-être au travail, ou la performance globale sans envisager que tout est lié. Mais en replaçant la contribution des entreprises aux enjeux de développement durable comme définition de la RSE, la diversité est nécessairement embarquée comme facteur d’inclusion, de réduction des inégalités et de cohésion sociale.

 

A quel type de réticences faites-vous encore face ? Idéologiques, financières ?  De la part de quel type de structure principalement : entreprises traditionnelles (GE, PME) ? Associations ? Coopératives ?  

Aujourd’hui, Vertuel accompagne essentiellement des PME et ETI. Entre les dirigeant·es qui considèrent normal d’assurer l’égalité F/H, celles et ceux pour qui ça n’est pas un sujet, et d’autres qui ne souhaitent l’appréhender qu’à travers la diversité, l’arrivée de l’index égalité permet d’objectiver la situation et aussi imparfait soit-il, il suscite une prise de conscience.

Le frein financier apparait parfois, caché derrière une objection éthique : celle de l’augmentation de salaire à flécher vers les femmes pour atteindre l’égalité et l’injustice vis-à-vis de leurs collègues masculins. Comme si l’injustice n’existait pas déjà …

Enfin, il y a les serpents qui se mordent la queue : le vestiaire féminin : pas besoin de vestiaire féminin sans femme ; mais une femme viendra-t-elle dans une entreprise sans vestiaire féminin ? Et les conditions de travail « trop difficiles » pour les femmes, ne le sont-elles pas aussi pour les hommes ?

 

En matière de lutte contre les inégalités FH, quels sont vos chevaux de bataille ? La parité ? L’égalité salariale ? La lutte contre le sexisme ? Le harcèlement ?
Mon sujet d’indignation actuel concerne l’inégalité devant l’accès à la promotion des femmes. J’ai observé de manière récurrente le même phénomène : de nouvelles responsabilités sont confiées aux femmes pour répondre à leur appétence mais sans changement de poste, sans titre, ni changement de catégorie, ni augmentation de salaire puisque celui-ci correspond au poste … Et cela se cumule avec le retard pris par la carrière des femmes au moment des maternités potentielles ou réelles, et dont les conséquences s’éternisent … Aussi, vous pouvez ajouter à mes chevaux de bataille : l’équilibre des temps de vie pour tous, comme moyen de désancrer les rôles attribués aux femmes et aux hommes dans notre société.

 

La Bretagne et les Pays de la Loire sont deux régions plutôt dynamiques dans ce domaine. Quels leviers entendez-vous actionner (en tant que Présidente de l’IFA Grand Ouest) ? Quelles actions concrètes souhaitez-vous mettre en place ? 

En tant que présidente IFA Grand Ouest, je suis entourée d’un bureau constitué d’expert·es de la gouvernance et d’administrateur·rices membres de l’IFA, et j’ai l’appui des équipes nationales. Je ne travaillerai donc pas seule et les sujets que nous aborderons seront choisis en collégialité face à des enjeux locaux à faire progresser ou des bonnes pratiques d’entreprises de l’ouest à valoriser au niveau national. Je viens juste d’être nommée et je tiens, avant de me prononcer à écouter les attentes des membres et à rencontrer les partenaires.

En tant que femme, je suis consciente d’une possible frilosité de ma part à aborder frontalement l’égalité F/H. Mais, j’aimerais bien avoir des chiffres de la mixité des conseils dans notre région. Je ne suis pas sûre qu’ils soient particulièrement bons, en dehors des sociétés cotées qui en ont l’obligation … Objectiver et prendre conscience constituent les premiers pas vers l’action.

 

Nécessaires dans certaines entreprises, les quotas – dont l’objectif est de parvenir à 40% de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises cotées (loi Copé-Zimmerman de 2011) ; ou bien mis en place dans le cadre d’accords professionnels – font l’objet de vives critiques. Y êtes-vous favorable ?

En tant qu’administratrice qui a bénéficié de la loi Copé-Zimmermann sur la parité en conseil d’administration, je ne peux que la soutenir, même si on aimerait n’être choisi que pour ses compétences. J’ai pour ma part ressenti le besoin, alors que j’étais déjà très diplômée, de suivre le parcours certifiant administrateur d’ETI IFA/Audencia et ça m’a sécurisée sur ce point : au-delà des quotas, être utile et compétente aux conseils où je siège.

Transitoirement, la loi me semble nécessaire. L’IFA l’a soutenue d’ailleurs, de même que les aspects d’intégration des enjeux sociétaux dans la gouvernance de la loi PACTE, avec une recommandation timide sur la mixité des organes de direction (CODIR). A quand une loi comme en Allemagne sur ce sujet ?

 

Bien qu’utiles en termes de visibilisation des femmes, les quotas ne réduisent-ils pas la question de la parité à un chiffre alors qu’il est aussi question de qualité et de nature de postes ?

La mixité des métiers est effectivement un enjeu, pour ne pas cantonner les femmes aux fonctions RH et communication… In fine, la proportion FH dans les métiers au sein des entreprises devrait converger vers la proportion FH dans la formation menant à ce métier et ce quelque soit le niveau hiérarchique. Le sujet suivant étant l’orientation des jeunes filles, qui se joue dès le collège.

Une de mes motivations à rejoindre le réseau des Fameuses était de participer à construire une mosaïque de parcours au féminin et développer des synergies pour peu à peu lever les freins à l’égalité FH.

 

Vous avez une formation d’ingénieure (IMT Atlantique), et baignez depuis vos études dans des milieux majoritairement masculins. Quel est votre ressenti quant à l’intégration, l’acceptation des femmes dans ces domaines ?

Vous avez raison, mon expérience m’a probablement un peu désensibilisée. D’une part, j’ai du élargir ma tolérance au sexisme : on ne peut pas tout relever et pourtant il faudrait. Mais, je pense que la situation progresse très vite actuellement.

D’autre part, j’ai adopté des codes masculins qui m’ont éloignée de moi-même, et la reconnexion a été longue. Je reste agacée par la pression sociale pour que les femmes se comportent comme des hommes en milieu professionnel… double stéréotype ! Sans généraliser, je pense que ça reste un sujet pour les femmes baignées dans des milieux masculins, comme pour les entreprises qui se privent de richesse humaine, puisque femmes et hommes se coupent des valeurs dites féminines telles que l’intuition, l’empathie, la sensibilité.

 

Quelles évolutions doit-on à l’augmentation du nombre de femmes dans les organes de gouvernance ?

J’ai peur de tomber dans un stéréotype en répondant à cette question… Dans le milieu de la RSE, des ressources humaines, il y a clairement plus de femmes que d’hommes. D’ici à dire que l’arrivée des femmes dans les organes de gouvernance suscite plus de prise en compte de l’humain et de l’environnement… En tout cas, culturellement, les femmes se permettent un peu plus d’introduire ces sujets dans les instances de gouvernance, ce qui donne l’opportunité aux hommes de les exprimer également. D’autre part, le leadership au féminin tempère probablement les luttes d’ego pour plus de coopération, moins de rationalisme et plus de vision systémique. Mais le facteur générationnel joue aussi pour beaucoup.

 

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Rédaction Agathe Petit