Publié le 18.04.21
Difficile de parler égalité FH sans échanger avec Élisabeth Ferro-Vallé. En effet, cette Fameuse est une experte dans ce domaine, comme l’atteste son parcours et son engagement quotidien. La publication des résultats de l’index égalité nous fournit l’occasion d’un entretien.
Pour commencer, quelques mots à votre sujet…
Je suis conférencière, formatrice et évaluatrice sur les sujets de l’égalité et de la diversité, notamment. Autrice de l’ouvrage « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : comprendre et agir » (Éditions AFNOR 2009), j’ai par ailleurs contribué à différents travaux collectifs dont les différentes éditions du Guide Diversité de la Copec de 2014 à 2016 et été sollicitée par Halte discriminations pour la rédaction du Passeport pour l’égalité en 2020.
J’ai intégré le Groupe AFNOR voilà bientôt 25 ans. Depuis 2017, je suis experte développement égalité professionnelle/diversité. En parallèle, je suis présidente de la commission égalité du groupe et, depuis 2019, nommée référente harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail.
Pour la 3e année les résultats de l’index de l’égalité professionnelle viennent d’être publiés. En Loire-Atlantique, 169 entreprises de plus de 50 salarié·es se sont conformées à leur obligation de publication, mais pas toutes. Malgré tout, faut-il y voir un verre à moitié vide ou à moitié plein ?
Cet outil n’est pas parfait mais il a le mérite d’exister. Il a permis, notamment, de mieux faire prendre conscience de la situation en matière de rémunération entre les femmes et les hommes. Avec le recul, on observe une amélioration à la fois sur le nombre d’entreprises qui publient leur index et sur les résultats. Il créé une dynamique positive et une obligation de résultat qui sont encourageantes. Mais, il a ses limites. Par exemple, le mode de calcul de l’indicateur sur les écarts de rémunération exclut les catégories socio-professionnelles où la représentativité d’un des deux sexes est insuffisante. Au-delà de conforter les stéréotypes de sexe sur de nombreux métiers, la méthode entérine l’approche contestable d’un « salaire égal pour un travail égal » plutôt qu’un « salaire égal pour un travail comparable ».
Dans le même esprit, cet indicateur demande de consolider en équivalent temps plein toutes les rémunérations évaluées en créant un angle mort sur les temps partiels qui sont occupés à 85% par des femmes et pas toujours de façon choisie. En matière de promotion également, l’index ne différencie pas les montants d’augmentation attribuée aux femmes, d’une part, et aux hommes de l’autre. Ça empêche de s’assurer que l’égalité en nombre et en montant a été respectée… Enfin, l’index continue d’entretenir cette tolérance sur l’absence d’augmentation au retour de congé maternité, alors qu’elle est obligatoire depuis 2006, puisqu’il permet l’obtention d’un score final supérieur aux 75 points minimum requis même si cet indicateur affiche 0.
Ces limites, associées au constat que les inégalités de rémunération sont uniquement la face visible de l’iceberg. L’index, finalement parcellaire, ne doit pas faire oublier l’existence de l’ensemble des autres indicateurs à produire (sur la situation entre les femmes et les hommes) au sein des organisations et qui mesurent réellement les parcours des salarié·es, de leur recrutement à leur départ. Leur analyse plus fine permet de définir les actions pertinentes à mener pour supprimer les éventuelles inégalités détectées. Le label égalité contribue à donner des pistes de réflexion et d’action.
Justement, ce travail d’évaluation et d’accompagnement est votre quotidien au sein de l’AFNOR. Quel est son rôle en matière de certification ?
L’AFNOR est un organisme certificateur privé missionné par l’État en 2004 pour délivrer le label égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le label diversité s’y est ajouté en 2008. Depuis 2015, il est possible de candidater simultanément à ces deux labels. Les organismes candidats viennent soutenir leur dossier devant une commission nationale qui rend son avis. Elle est composée des organisations syndicales et patronales ainsi que de l’État. Pour le label diversité s’ajoute la présence de l’ANDRH (association nationale des DRH). L’évaluation, réalisée par des auditeurs et auditrices qualifié·es, se fait sur les actions menées dans la gestion des RH, le management, les conditions et l’organisation de travail, la lutte contre les propos et attitudes sexistes, les stéréotypes… Il y a donc plusieurs cliquets de vérification pour l’attribution de ces labels.
Qui peut candidater ?
Toutes les organisations (associations, TPE/PME, grands groupes, collectivités, administrations). La validité de ces deux labels est de 4 ans, avec un audit intermédiaire après 2 ans.
Début février, le Département de la Loire-Atlantique a été doublement labellisé. Les collectivités sont-elles nombreuses dans ce cas-là ?
Trois seulement avec en plus les villes de Nantes et de Corcoué-sur-Logne. En France, vous avez aussi, la ville de Rennes qui a été précurseur en 2008. Mais c’est très peu. Sur 120 labellisés dans tout le pays, 40 sont des organismes publics même si, pour le label égalité professionnelle, il y a de plus en plus d’administrations qui s’engagent depuis trois ans du fait de la forte incitation des ministères, eux-mêmes labellisés ou en-cours, à ce que les administrations publiques deviennent exemplaires et s’engagent dans cette voie.
Mais globalement, le bilan est très modeste. La Loire-Atlantique ne compte que 8 labellisés égalité en tout et pour tout avec, dans le privé, la Banque Populaire Grand Ouest, la Caisse d’Épargne Bretagne Pays De Loire, Ressources Mutuelles Assistance et deux établissements supplémentaires qui ont eux aussi les deux labels : le Centre Hospitalier Georges Daumezon et l’Hôpital Local Bel Air, en plus des collectivités citées.
Pourtant il existe des avantages à cette double labellisation ?
Les labels fournissent aux organisations un cadre, une méthodologie qui permet d’inscrire leur démarche interne dans un processus d’amélioration globale et de valoriser leurs pratiques en externe. On y constate une fidélisation du personnel, une implication et une cohésion d’équipe renforcée, une meilleure attractivité, un dialogue social constructif… La meilleure prise en compte de tous les individus contribue aussi à optimiser l’anticipation de l’effet générationnel, à répondre à la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) ainsi qu’aux exigences liées à la santé, la sécurité au travail et la prévention des risques psychosociaux…
Ça impacte également l’ économique, puisqu’on on peut observer une performance accrue des organismes engagés, qui constatent aussi l’augmentation de leur capital sympathie ainsi qu’une meilleure maîtrise des risques juridiques et en termes d’image, et, cerise sur le gâteau, ces labels peuvent aussi constituer un plus concurrentiels en tant qu’élément distinctif dans le cadre d’une candidature à un marché public, mais aussi parfois privé.
Dans ce cas, pourquoi si peu d’entreprises sont-elles labellisées ?
Il s’agit d’un référentiel exigent. Et avoir une approche systémique n’est pas si simple. S’engager dans une démarche de labellisation nécessite aussi d’accepter une remise en cause de son fonctionnement, de ses pratiques et d’avoir un regard externe. La méconnaissance du sujet et de l’ensemble des activités qui impactent l’égalité entre les femmes et les hommes fait aussi que c’est un non-sujet. Enfin, ce label, qui souffre peut-être d’un manque de notoriété, nécessite de formaliser une démarche qui peut sembler complexe pour certaines entreprises.
Propos recueillis par Florence FALVY
Pour aller plus loin :
Un salaire égal pour un métier de valeur comparable // Séverine Lemière (conférence lors du Printemps des Fameuses saison #1 2021)