Publié le 15.03.21
Mahaut Bertu, adjointe en charge de l’égalité, de la ville non sexiste, de la lutte contre les discriminations et de la vie associative à la ville de Nantes, s’est livrée au jeu des questions-réponses en vue du Printemps des Fameuses, le 26 mars prochain.
Cette 8e édition commencera par parler d’argent. Que pensez-vous de cette thématique et que vous inspire-t-elle ?
C’est une entrée très pertinente. Lorsque l’on parle de l’égalité FH, il s’agit de l’un des principaux enjeux, en termes d’inégalités de salaires, de travail domestique non rémunéré qui peut parfois empêcher des choix de carrière. En 2021, l’écart de salaire est d’environ 25%. Ce chiffre en dit long sur le chemin qu’il reste à faire.
Dès qu’il est question d’argent, les femmes sont moins aux avant-postes dans le système économique. Elles sont, par exemple, confrontées à des écarts sur les opportunités de financement par rapport à leurs homologues masculins. Quels sont les blocages qui font que, au quotidien, elles ne jouissent pas des mêmes droits économiques que les hommes ?
C’est d’abord le reflet des limites que les femmes se mettent. Elles sont plus prudentes et vigilantes. C’est une forme d’autocensure. Un constat que l’on peut faire dans toutes les inégalités FH. La société n’attend pas la même chose des hommes et des femmes. Du coup, elles se construisent dans des rôles qui leur sont attribués. Seulement, derrière, elles n’ont pas les mêmes opportunités.
A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, ce 8 mars, le groupe La République en marche de l’Assemblée nationale a déposé une proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes. Le secteur de l’investissement est notamment visé. Est-ce que ça veut dire que les précédents textes (comme la loi Copé-Zimmermann qui impose depuis 10 ans des quotas de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance) n’ont pas porté leurs fruits ?
On accumule les lois sur l’égalité professionnelle depuis les années 70, avec sans cesse des améliorations. Pour autant, les inégalités demeurent. Est-ce parce que la législation n’est pas suffisante ? Est-ce que parce que le fond du problème se trouve en définitive dans les mentalités et dans le changement de regard que devrait avoir la société ? C’est sûrement un peu des deux…
Prenons l’exemple de la fonction publique où les hommes sont majoritaires dans les filières techniques et les femmes dans celles administratives. Les métiers d’assistante sociale, ATSEM, secrétaire sont aujourd’hui encore exercés à 95% par des femmes. Il y a donc un réel problème sur le choix des filières, les orientations des élèves,… qui n’est pas encore suffisamment pris en compte.
Quand on parle d’argent, il y a aussi la question du financement public. Par le passé, des rapports ont pu mettre en lumière le sous-financement par l’État. Est-ce que, aujourd’hui, les crédits affectés sont-ils suffisants ?
Sûrement pas puisque l’on n’arrive pas à changer les choses. A savoir aussi si ces crédits sont placés au bon endroit et financent les actions qui font bouger le plus les lignes ?
Concernant le financement du fonctionnement de Citad’Elles. La maire Johanna Rolland avait reproché au gouvernement de n’avoir pas mis un centime dans le projet. Lors de sa venue à Nantes en février, le Premier Ministre a assuré qu’Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Égalité FH, à la Diversité et à l’Égalité des chances se rendrait à Nantes en mars. Cette visite sera-t-elle accompagnée d’annonces ?
Lors de sa venue en janvier, Élisabeth Moreno a laissé entendre qu’elle y portait un intérêt particulier. J’ai donc bon espoir qu’elle revienne rapidement et que ce nouveau déplacement aboutisse concrètement à un soutien financier de l’État. Mais nous n’attendons pas juste un chèque mais aussi de travailler un partenariat avec son ministère.
Un des engagements municipaux est de faire de Nantes la première ville non sexiste de France à 10 ans. Concrètement, quelle est la stratégie ?
Pour la première année du mandat, trois mesures concrètes : l’éducation à l’égalité afin que les cours d’école soient plus favorables à un usage mixte ; la précarité menstruelle avec la mise en place de dispositifs (comme des distributeurs en libre-service) ; la sécurité sur l’espace public en confortant le réseau des cafés citoyens (bars qui s’engagent à ouvrir leurs portes et rendre des services à toute personne qui se sentirait en danger). Un travail de concertation est lancé dès maintenant afin de travailler avec les habitant·es et associations qui le souhaitent et d’être à l’écoute de propositions qui ne seraient pas dans le viseur.
En 2022, nous avons deux chantiers. Le premier concerne le budget sensible au genre. Par exemple, l’utilisation des skate-parks est avant tout masculine. L’idée est d’aller vers un usage mixte des installations publiques et de faire en sorte que les investissements servent autant aux femmes qu’aux hommes. La première étape va consister à organiser un temps d’évaluation de nos budgets. Par ailleurs, nous envisageons de lancer les premières assises nationales contre les violences faites aux femmes en novembre 2022.
Ces exemples montrent que la question de l’égalité FH est souvent mise en avant sous le prisme social moins sous l’angle économique et professionnel. Quid des actions en faveur de l’entrepreneuriat au féminin ?
Le dispositif NégoTraining sera développé en proposant plus d’ateliers dans les différents quartiers de Nantes pour plus de proximité. Nous travaillons également à la valorisation et mise en visibilité des réseaux d’entreprenariat au féminin (Sup’ Porteurs de la création 44, Artisanes 44, Business au féminin…), soutenons des projets dans les quartiers populaires avec le dispositif Osez Entreprendre, des associations qui agissent pour sensibiliser les jeunes à l’entreprenariat (100 000 entrepreneurs, Entreprendre pour apprendre, Les Entrepreneuriales etc.) mais aussi des événements, comme Be a boss le 8 avril prochain.
Enfin, en matière d’égalité femmes-hommes, la collectivité nantaise est-elle exemplaire ?
La Ville de Nantes a obtenu le label Égalité́ en 2020, les élus touchent les mêmes indemnités et la parité est respectée dans l’ordonnancement des adjoints. Pour autant, certains délégations (petite enfance, santé,…) sont encore un peu genrées. Cette réalité pourrait nous amener à nous pencher sur le sujet.
Rédaction Florence Falvy
Crédit photo : Mahau Berthu