Publié le 20.12.21

 

Depuis 2004, les pouvoirs publics ont poussé la création de « Pôles de compétitivité » pour soutenir l’innovation en France « et la faire rayonner en Europe et dans le Monde ». Il en existe 54 qui rassemblent 2000 laboratoires et établissements d’enseignement supérieur et 10 000 entreprises innovantes sur des thématiques d’avenir qui font la croissance et l’emploi de demain (santé, agriculture, transport, énergie…). Autant dire qu’un pôle de compétitivité, ça pèse. Dans l’ouest (Bretagne et Pays de La Loire), il en existe 5, dont le Pôle Images & Réseaux qui a pour ambition de devenir « un acteur clé du numérique en Europe”

 

Photo extraite du site Atlanpole

Le 2 décembre, à Rennes, il a réuni une centaine de ses membres issus de grands groupes, de PME, de start-up et du monde académique pour élire ses nouvelles instances : « une gouvernance renouvelée représentative de l’écosytème de l’innovation et du numérique dans le grand ouest ». Des fois, on se demande si on ne ferait pas mieux de se relire…

 

En effet, les dites instances se retrouvent constituées jusqu’en 2024, d’un bureau de 5 personnes (tous des hommes) et d’un conseil d’administration de 23 représentants dont 20 % seulement des sièges sont occupées par des femmes. Dans un vivier de plus de 250 structures cotisantes, on aurait pu penser trouver plus de 5 femmes au CA, d’autant que les statuts « prévoient une représentation équilibrée des adhérents».

 

Bien sûr, on pourra rétorquer que ce pourcentage est supérieur à celui des diplômées qui travaillent dans le secteur du numérique (13 %) ou encore à celui des startupeuses (7%). Alors on sera tenté·es d’aller chercher plus loin et de découvrir que le Conseil Scientifique de Validation (CSV) « composé de membres représentatifs des disciplines scientifiques, technologiques, économiques et humaines concernées par le Pôle Images & Réseaux » n’accueille qu’une femme sur 43 membres. Ça fait peu pour un organe qui propose les grandes orientations stratégiques et qui recommande au CA les projets à labelliser « un atout majeur pour obtenir des financements publics ». On découvrira aussi, en continuant la spéléologie, que l’association française des Pôles de Compétitivité (AFPC), l’organisme de lobbying auquel adhère la Pôle Images et Réseaux comme les 53 autres, affiche une seule femme au bureau sur 16 membres et 8 sur 30 au CA. Pour une structure de destinée « à porter la voix des pôles de compétitivité et de coordonner leurs actions auprès des pouvoirs publics nationaux et européens », ça leur fait encore peu de place.

 

Aujourd’hui, le secteur de la tech en général et du numérique en particulier est l’un des moteurs de l’économie, avec des entreprises qui connaissent des croissances importantes et transforment la société. C’est LE secteur dont on pari qu’il générera le plus de nouveaux emplois dans les années à venir où ils progressent déjà 2,5 fois plus vite. C’est aussi le secteur qui transforme le plus rapidement et le plus profondément notre société avec des impacts vertigineux sur les produits, les services, la santé, l’environnement, la démocratie … En exclure les femmes est dommageable, car cela les prive d’opportunités d’emploi dans un secteur en forte croissance qui, lui-même, se prive de leurs talents : elles étaient 35 % dans l’informatique en 1982. Elles ne sont plus que 13 %.

 

Alors messieurs, puisqu’en vous écoutant, vous semblez souhaiter « favoriser la fertilisation croisée », « construire un monde d’après plus responsable », « être à l’écoute des idées, des tendances, des besoins du marché et de la société », si vous souhaitez vraiment que vos filles embrassent des carrières dans le numérique, faîtes en sorte qu’elles arrivent à se représenter qu’elles peuvent aussi s’y faire une place : commencez par leur en laisser une sur la photo !

 

Les chiffres mentionnés sont issus des études Femmes numérique et Grande Ecole Numérique

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