Publié le 27.02.22

 

 

A l’occasion de leur 10e anniversaire, Les Fameuses organisent le 18 mars prochain, une nouvelle édition du Printemps des Fameuses à Nantes. Ce festival gratuit est entièrement dédié à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec pour fil conducteur le thème de la transmission, une programmation alternera des interventions d’expert.es avec des moments festifs ou des occasions de rencontres. Elle est commentée par les 4 programmateur·rices déjà impliqué·es sur les précédentes éditions, Clémentine Lemaire, Clémence Leveau, Maud Raffray et Eric Warin*. 

 

 

Comment présenter le Printemps des Fameuses à celles et ceux qui ne le connaissent pas encore ?

 

Maud. L’originalité du Printemps des fameuses, c’est d’appliquer les moyens et les codes d’un festival pour changer les idées sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce n’est ni un colloque, ni un séminaire. Ce n’est pas complètement un festival culturel ou un événement porté par des associations militantes. Il est à la croisée de tout cela. Il  bouscule nos certitudes et bouscule nos convictions. 

 

Clémence. C’est un lieu de rencontre de tous les publics, suffisamment expert pour les personnes déjà sensibilisées et suffisamment généraliste pour diffuser la culture de l’égalité. Il y en a pour tous les goûts, tous les profils avec la possibilité de construire son parcours à la carte autour d’un programme commun. L’idée c’est de poser un autre regard, un regard féministe, sur le monde.

 

Transmission, c’est le thème choisi pour cette nouvelle édition. Sous un angle féministe, ça donne quoi ?

 

Maud. D’abord, il y a d’un côté une transmission passive : ce dont on hérite sans l’avoir choisi, à travers l’éducation ou la transmission matérielle. Cela contribue à la reproduction “à l’identique”. De l’autre côté, la transmission active correspond à une déconstruction-reconstruction des imaginaires collectifs, qu’il s’agisse des récits du passé ou d’avenir. 

 

Cela pose plusieurs questions : qu’est-ce que les femmes transmettent ? Qu’est-ce que les féministes transmettent ? A quels endroits peut-on transmettre ? Un premier constat montre l’invisibilisation des femmes dans tous les domaines de notre société. Quelques exemples actuels. En 2022 près de 18% de biographies concernaient des femmes sur Wikipédia (février 2021 – source Les sans pagEs

, 6 femmes reposent au Panthéon pour 75 hommes. Seules 6% des plaques de rue dans l’espace public concernent des femmes… Dans le cinéma ou la littérature on retrouve ces mêmes chiffres, ces mêmes constats. 

 

Eric. Ce qui est important, c’est de les faire connaître. Ca aussi c’est la transmission. C’est la transmission des savoirs. C’est la base d’une culture commune, la possibilité d’objectiver, d’analyser, de comparer et de ne pas oublier. Les savoirs ne sont immuables que s’ils sont alimentés en permanence, sinon, on les oublie. C’est pour ça qu’on a conçu un programme de la journée en deux temps : les mécanismes d’effacement des femmes de l’histoire, de la langue, de l’économie, de la mémoire collective le matin… Puis l’après-midi on interroge davantage le rôle des masculinités dans ces phénomènes et la possibilité de les faire évoluer.

 

Clémentine : Une autre dimension de la transmission, c’est la mise en mouvement, l’action, le partage, la sororité. Une des façons de la mettre en pratique pour les Fameuses, c’est d’associer aussi l’invitation des Fameuses à des associations locales –  BFN, CIDFF, FCE, Planning Familial, FDO… – qui œuvrent concrètement sur le terrain. 

 

Justement, pourquoi ces 10 associations ? 

 

Clémentine. Il y a un réel foisonnement sur le territoire nantais. Chaque structure est le maillon d’une chaîne. C’est essentiel dans l’idée de transmission. Ensuite, Il existe une vraie diversité d’expertises dans ces associations avec lesquelles nous avions déjà collaboré. Nous étions convaincu·es qu’il fallait réunir largement pour que la parole de l’égalité soit portée à de multiples endroits, auprès d’une plus grande diversité de publics.

 

Deux créneaux, le matin et l’après-midi, sont donc dédiés à ces 10 structures. Les publics pourront assister à des interventions portées par ces associations. Ces propositions sont de durées variables et ont lieu dans différents lieux partenaires autour de Stereolux. 


Quels sont les moments que vous attendez particulièrement ?

 

Clémentine. Difficile de choisir tant cette programmation est foisonnante. Par exemple, tous les événements proposés par les collectifs méritent d’être soulignés. J’ai tout de même un coup de cœur pour l’intervention de l’artiste-documentariste Mai Hua parce qu’elle aborde les choses avec beaucoup de poésie et de finesse. Sa découverte du féminisme est empirique, attachée à son histoire familiale, et ses convictions se sont affirmées  au fur à mesure des rencontres dans ses documentaires. 

 

Clémence. J’ai envie de parler de l’atelier drag king, animé par Julie Dessaivre. C’est une proposition iconoclaste qui évoque la manière dont on traverse les espaces publics et privés, en tant que corps féminin et corps masculin. C’est une manière différente et très concrète de ressentir les choses. J’ai également hâte d’entendre Johanna Soraya Benamrouche, qui travaille sur la transmission des traumas, à l’échelle individuelle mais aussi collective. Le ciné-débat autour d’“Unique en son genre” proposé par le centre LGBT Nosig ou le binôme convoquant deux présidentes de l’espace Simone de Beauvoir donnent aussi très envie !

 

Maud. Je suis impatiente de découvrir comment Violaine Lucas et Anne Bouillon auront relevé le défi que nous leur avons proposé avec  “Mon Panthéon est décousu” sur la question de la place des femmes au Panthéon : l’une a succédé à Gisèle Halimi à la présidence de « Choisir le cause des femmes », l’autre est l’arrière petite nièce de Joséphine Baker. C’est aussi ça la transmission : les histoires de famille.  l y en aura d’ailleurs une autre avec “Tu seras un homme écoféministe mon fils !”, où la journaliste Elise Thiebaut s’entretiendra avec les deux fils de Françoise d’Eaubonne (ndlr : pionnière de  l’écoféminisme). A mon sens, ces deux productions originales « made in  Fameuses » résument bien le thème de la transmission : comprendre la construction du récit national et questionner nos futurs désirables avec la vision écoféministe et le rapport au pouvoir.

 

Eric. En tant qu’historien de formation, j’aime bien l’idée de la conférence introductive de  “Le grand effacement : comment redonner leur juste place aux femmes dans l’Histoire ?” qui réunira la pionnière Michelle Perrot, une grand figure qui a réhabilité la place  des femmes dans l’Histoire, Christine Bard, qui a fondé l’association « les archives du féminisme » et Titiou Lecoq qui vient d’écrire un livre précieux pour comprendre les mécanismes d’effacement des femmes de l’histoire.

 

La journée se poursuit par un contest solidaire et une soirée musicale… 

 

Clémentine. On l’a dit, ce festival se veut être un courroie de transmission entre une  large communauté et des publics hétéroclites.  Le contest qui, contrairement à ce que son nom semblerait indiquer, n’est pas vraiment une compétition, a pour objectif de donner un coup de pouce à des initiatives émergentes qui œuvrent pour l’égalité FH sur notre territoire. Cette année la billetterie du Printemps des fameuses est gratuite, grâce au soutien de nos partenaires publics et privés. Néanmoins les participant·es peuvent, selon leurs envies et moyens,  contribuer à une cagnotte solidaire qui sera remportée par l’initiative gagnante du contest. Là aussi c’est une question de transmission. La fin de la journée se terminera par un plateau de 6 artistes de la scène locale. 

 

Un mot à propos des Fameuses, quelle sera la suite pour le collectif ?

 

Clémence. Cela fait maintenant 10 ans que les Fameuses existent et le thème de la transmission a aussi été choisi dans ce sens : on sait que la question de l’égalité entre les femmes et les hommes nécessite autant d’être transmise que de se réinventer. C’est le principe même du féminisme, de remettre en question l’ordre établi, de se demander à qui et à quoi servent nos actions, voir ce qu’on pourrait faire de mieux. L’invitation à la transmission se pose donc pour les Fameuses et l’existence du Printemps des Fameuses – au moins dans ce format – sera aussi à questionner. 

 

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* Présentation des 4 programmateur·rices : 

 

Clémentine Lemaire. A mon arrivée à Nantes il y a 5 ans, j’ai souhaité remettre ce qui était profondément important pour moi au cœur de ma vie. C’est ce qui m’a poussée à m’investir dans le réseau des Fameuses, et plus particulièrement sur le Printemps des Fameuses (mes deux dernières années professionnelles parisiennes ayant été consacrées notamment à la direction de projets événementiels comme TEDxParis) et donner ainsi une expression à mes convictions féministes et politiques.Je suis par ailleurs depuis 2019 la co-créatrice de Club Culotté, une entreprise avec laquelle j’active la voix, intérieure et extérieure, et la puissance politique des badass engagé·es et utopistes, en tant que coach professionnelle certifiée.

 

Clémence Leveau. Je me suis installée à Nantes il y a deux ans et demi. J’avais travaillé sur la question de l’égalité professionnelle pendant 8 ans au sein d’Elle Active et j’ai rencontré le magazine Femmes Ici et Ailleurs, avec qui je collabore, en arrivant dans l’Ouest. J’ai eu l’occasion de faire la connaissance de l’équipe des Fameuses que j’ai intégrée en 2020 pour coordonner la partie OFF du  festival. En parallèle j’ai lancé mon activité de créatrice et animatrice de contenus sur les questions féministes.

 

Maud Raffray. Depuis mon arrivée à Nantes en 2004, je travaille dans le domaine  des politiques publiques culturelles. En 2013, lorsque j’étais secrétaire générale du VAN, j’ai commencé à  m’impliquer au sein du collectif Les Fameuses. Et depuis 3 ans maintenant, j’ai mis cet enjeu sociétal au cœur de ma vie professionnelle en créant le métier d’activatrice d’égalité femmes-hommes auprès des professionnel·les de la culture.

 

Eric Warin. Je suis un professionnel des médias et un homme de réseaux. Je dirige le  CCO d’où est partie l’initiative des Fameuses en 2012 au moment de la  loi Copé-Zimmermann. Dans ces lieux de rencontres et d’influence, je n’ai pu que déplorer le fait que les femmes étaient toujours minoritaires. Ce n’était ni juste, ni représentatif de notre société, ni fidèle à notre époque, ni opportun. Je vois aussi l’égalité femmes-hommes comme un levier de transformation sociétal qu’on sous estime. 

 

 

 

Informations pratiques

 

Site web 

Programme du 18.03

Inscription 

Le Printemps des Fameuses en vidéo 

 

 

Propos recueillis par Adrien Cornelissen 

 

Pour aller plus loin

 

Marie Bécue « Parlons des pratiques qui font se rejoindre les écoféminismes » – lire l’interview

Stereolux, quand la culture passe à l’action sur l’égalité FH – lire l’article

[ Empowerment ] Echanger et s’entraider entre dirigeantes –
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[ Empowerment ] Un club pour s’inspirer et diffuser la culture de l’égalité – lire l’article

A Nantes, des ateliers Wikipédia pour visibiliser les femmes –
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